En Haïti, la scène politique vacille entre accusations tonitruantes, pressions internationales et appels à la réforme qui restent lettre morte. Une semaine après les révélations accablantes du conseiller présidentiel Fritz Alphonse Jean sur la mauvaise gestion de l’État, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé tente de redorer son image. Le 30 juin, il s’est engagé dans une opération de réorganisation gouvernementale, évoquant un sursaut institutionnel. Mais la tempête ne faiblit pas.
Encore et toujours, le même refrain : des marins politiques sans cap, bien installés dans leurs privilèges, détournant le regard de la misère populaire.. Dans une interview publiée le 20 juin 2025, Fritz Alphonse Jean confirmait l’« impuissance criante » du pouvoir de transition. Fallait-il vraiment que Fritz Jean hausse le ton pour que le Premier ministre sorte de sa torpeur ? Les réactions suscitées par ses propos ont été vives. L’opinion publique, lassée par les faux-semblants, exige désormais des réformes urgentes et crédibles.
Le Conseil présidentiel de transition, quant à lui, peine toujours à convaincre. Son bilan reste désespérément vide, à l’image d’un pouvoir qui peine à exister au-delà des communiqués.. Pire encore : la situation du pays ne cesse de se détériorer:
Les gangs armés poursuivent leur entreprise de terreur. Dans la nuit du 4 au 5 juillet, le groupe Gran Grif a semé la panique à Petite Rivière de l’Artibonite. Des tirs nourris d’armes automatiques ont retenti dans plusieurs quartiers, plongeant la population dans une angoisse collective. Terrorisées, les familles sont restées cloîtrées chez elles jusqu’à l’aube.
Parallèlement, les scandales de corruption continuent d’éclabousser l’administration publique. Il ne s’agit pas de rumeurs,le 3 juillet, l’organisation Ensemble Contre la Corruption (ECC) a publié un rapport accablant sur des malversations au sein du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC). La ministre Niola Lynn Sarah Devalis Octavius y est directement mise en cause pour la disparition de 50 millions de gourdes et plusieurs chèques volés.
Face à cette spirale, la CARICOM et l’OEA intensifient leurs efforts diplomatiques. Une rencontre politique clé, le 1er juillet, a rassemblé diplomates régionaux et acteurs haïtiens pour lancer un dialogue autour d’une gouvernance plus inclusive, rompant avec les logiques anciennes de cooptation.
Pendant que le Conseil présidentiel implore une prolongation de mandat, la CARICOM prépare sa réduction. Ironie tragique d’un pouvoir qui négocie son effacement sous prétexte d'efficacité. Selon la proposition, le nombre de membres du Conseil pourrait passer à trois ou quatre, dans l’objectif de limiter les blocages et d’améliorer la prise de décision. Une initiative qui suscite l’hostilité au sein de la Primature, où l’on craint une marginalisation du pouvoir exécutif dans un format resserré.
La transition haïtienne est devenue un simulacre de changement dissimulant un immobilisme profond. Depuis la chute des Duvalier, le pays enchaîne gouvernements provisoires et dialogues de façade, sans jamais sortir de l’instabilité. Aujourd’hui, la transition n’est plus un passage, mais un système : elle bloque le changement, exclut le peuple et entretient le chaos. On gouverne sans être élu, on réforme sans consulter, on promet sans agir. Alors, posons-nous la vraie question :
Qui a intérêt à ce que cette transition dure ? Et combien de temps encore le peuple devra-t-il payer l’addition de ce chaos organisé ?
Ce texte s’appuie sur des faits confirmés, des publications officielles et des observations de terrain compilées entre le 24 juin et le 6 juillet 2025.
Références :
- Révélations de Fritz Alphonse Jean :
Discours prononcé le 24 juin 2025 lors d’une conférence de presse du Conseil présidentiel de transition.
- Annonce de réorganisation par Alix Didier Fils-Aimé :
Communiqué officiel de la Primature, 30 juin 2025.
- Rapport ECC sur le MJSAC :
“Rapport sur les irrégularités financières au sein du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique”, publié par Ensemble Contre la Corruption, 3 juillet 2025.
- Attaque à Petite Rivière de l’Artibonite :
Témoignages recueillis par des médias locaux et confirmés par des sources communautaires – nuit du 4 au 5 juillet 2025.
- Rencontre CARICOM – CPT – OEA :
Conférence politique tenue à Port-au-Prince, 1er juillet 2025. Déclarations publiques de la CARICOM et de l’OEA disponibles sur leurs sites officiels.