Depuis plusieurs mois, des dizaines de milliers d’élèves haïtiens n’ont plus accès à leur salle de classe. Non pas parce qu’ils sont en vacances, mais parce que leurs écoles ont été fermées, incendiées ou transformées en abris de fortune. À travers tout le pays, une même réalité s’impose : l’éducation s’effondre, étouffée sous le poids de la violence et de l’indifférence. Jusqu’à quand sacrifierons-nous l’avenir de nos enfants sur l’autel de l’insécurité et de l’inaction ?
Le 20 juin 2025, Plan International a publié un rapport révélant qu’en Haïti, plus de 1,3 million de personnes — dont environ 700 000 enfants — sont déplacées à l’intérieur du pays. Plus de 1 600 écoles sont fermées ou transformées en abris temporaires dans les départements de l’Ouest, du Centre, du Nord et de l’Artibonite. Par ailleurs, selon OCHA, au 30 avril 2025, près de 1 600 établissements scolaires restaient fermés en raison de l’insécurité, tandis que 647 autres ont été contraints de fermer entre janvier et avril, affectant plus de 80 000 élèves et 3 000 enseignants.
Cette situation constitue une violation flagrante des droits de l’enfant garantis par la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE), adoptée par l’ONU, qui reconnaît plusieurs droits fondamentaux aujourd’hui bafoués :
- Le droit à l’éducation (Article 28) : chaque enfant doit pouvoir accéder gratuitement à une éducation de qualité. Or, privés d’école, ces milliers d’enfants voient leur avenir compromis.
- Le droit à la protection contre la violence (Article 19) : les enfants ont droit à une protection contre toute forme de maltraitance physique ou psychologique. Ce droit est gravement mis à mal par le climat d’insécurité généralisée.
- Le droit au développement harmonieux (Article 6) : la santé, la sécurité et le bien-être sont essentiels à l’épanouissement des enfants. Or, la crise actuelle entrave leur croissance physique, émotionnelle et intellectuelle.
En effet, les écoles sont régulièrement victimes de pillages, d’occupations par des groupes armés ou d’attaques délibérées. De nombreux enseignants et élèves ont dû fuir leurs domiciles, et les établissements scolaires se transforment progressivement en zones interdites à l’apprentissage. Même les initiatives alternatives, comme les cours communautaires ou les écoles mobiles, sont freinées par la faim, la peur et le manque de moyens. Malgré certaines déclarations officielles, aucune réponse urgente, cohérente et à la hauteur de l’enjeu n’a encore été déployée. Le programme de compensation pédagogique lancé en avril 2025 a montré un potentiel, mais sans un environnement sécurisé, aucun apprentissage durable ne peut être garanti.
Il convient de rappeler que l’éducation ne se limite pas à transmettre des connaissances : elle forge les citoyens de demain, elle est le socle de la participation démocratique et du vivre-ensemble. Priver des centaines de milliers d’enfants d’école aujourd’hui, c’est hypothéquer l’avenir politique, économique et humain du pays. Alors, faut-il y voir un simple effet collatéral du chaos ou le reflet d’un système qui, consciemment ou non, rejette les plus vulnérables ?