La récente destitution de Garry Conille par le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et la nomination d’Alix Didier Fils-Aimé comme nouveau Premier ministre intérimaire marquent un tournant important dans la politique haïtienne. En effet, le 10 novembre 2024, le CPT a signé un décret destituant Garry Conille, invoquant son refus de procéder à un remaniement ministériel et des accusations de mauvaise gouvernance.
La rupture entre Conille et le CPT découle d’une crise de confiance profonde. Certains membres du CPT reprochent à Conille de n’avoir pas apporté de résultats concrets face aux défis sécuritaires, bien que ce dernier, en poste depuis seulement six mois, n’ait pas eu le temps nécessaire pour impulser des réformes de fond. La situation est encore plus complexe, avec des accusations mutuelles de corruption entre le CPT et le bureau du Premier ministre, soulignant ainsi les contradictions et obstacles dans la lutte contre la corruption en Haïti.
Ce qui n’est pas dit dans cette affaire, c’est que Garry Conille a fait preuve d’arrogance envers le Conseil de Transition. Cette arrogance se traduit par un manque de communication, ayant souvent boudé les invitations du CPT et quitté le pays à plusieurs reprises sans l’aval du conseil, qui est censé être son supérieur. Ces actions ont exacerbé les tensions et ont été perçues comme un manque de respect envers l’autorité du CPT.
À cela s’ajoutent plusieurs incidents diplomatiques, notamment lors de la 79e session de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2024. Par exemple, le conseiller-président du CPT, Lesly Voltaire, s’est vu refuser l’accès à une réunion bilatérale entre le Premier ministre Garry Conille et le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, ce qui a alimenté les tensions au sein de l’exécutif. Ces tensions ont culminé avec plusieurs altercations, notamment une confrontation verbale entre Gérald Gilles, membre du CPT, et Garry Conille lors d’une réunion à la Villa d’Accueil. Gilles a accusé Conille de ne pas respecter les décisions du CPT, ce qui a conduit à un échange houleux. Une autre altercation a eu lieu entre Lesly Voltaire et Garry Conille, Voltaire accusant Conille de marginaliser le CPT et de prendre des décisions unilatérales.
Les tentatives de médiation internationale n’ont pas réussi à apaiser les tensions. Le CPT a maintenu sa décision de remplacer Conille, tout en nommant Réginald Calixte pour organiser la passation de pouvoir, prévue pour ce lundi. Conille, de son côté, a dénoncé une décision “illégale” et contraire à la Constitution haïtienne, rappelant que seul le Parlement peut voter une motion de censure contre un Premier ministre. Il a également demandé au directeur des Presses Nationales de ne pas publier le décret concernant la nomination de Fils-Aimé, tentant ainsi de bloquer la transition.
De son côté, le Premier ministre Garry Conille a refusé de quitter son poste, rejetant cette révocation. Dans une déclaration adressée à la nation, il a affirmé que la décision du CPT était illégale et ne respectait pas les procédures constitutionnelles. Conille a souligné que, selon l’article 158 de la Constitution haïtienne, seul le Parlement peut voter une motion de censure pour révoquer un Premier ministre, et non un organe non élu comme le CPT. En plus de cette défense juridique, Conille a dénoncé ce qu’il appelle une tentative de déstabilisation du pays, qualifiant les accusations à son encontre de diffamatoires. Il a également écrit au directeur des Presses Nationales pour demander de ne pas publier le décret concernant la nomination d’Alix Didier Fils-Aimé comme nouveau Premier ministre, visant ainsi à contester la légitimité de la décision du CPT et à retarder sa mise en œuvre officielle.
La destitution de Garry Conille a attiré l’attention de la presse internationale, avec des reportages de Associated Press (AP), Deutsche Welle (DW), et MSN News, qui suivent de près cet événement révélateur des défis politiques et de la lutte de pouvoir en Haïti. Cette couverture massive indique également que les observateurs internationaux voient la crise politique haïtienne non seulement comme un enjeu national, mais aussi comme un facteur influençant les relations diplomatiques, l’aide humanitaire, et les questions de sécurité dans la région caribéenne et au-delà.
Le bras de fer entre le Conseil Présidentiel de Transition et le Premier ministre Garry Conille montre à quel point la transition est compromise par l’insécurité, la corruption et les luttes de pouvoir. Comme toujours, il est impossible de revenir en arrière pour déjouer le complot contre le peuple haïtien. Cette situation reflète l’urgence d’un consensus politique pour restaurer la gouvernance et la confiance publique. Pour surmonter cette impasse, il est essentiel que les leaders politiques haïtiens se concentrent sur la coopération et la réforme des institutions, afin de poser les bases d’une stabilité durable et de s’engager avant tout au service de la population haïtienne.