Élections sous haute surveillance : démocratie ou mise en scène ?

 


Alors que la population vit entre balles et famine, alors que l’État recule chaque jour devant les gangs, à Port-au-Prince comme en province, les responsables politiques, eux, prennent leur temps pour s’installer. Le nouveau patron de l’OEA a déclaré vouloir agir vite pour Haïti. Il souhaite organiser des rencontres avec les acteurs locaux et internationaux afin d’accompagner le pays vers des élections. Cependant, de quelles élections parle-t-on dans un pays sans sécurité, sans institutions crédibles, et sans véritable plan de sortie de crise ?

 


Parallèlement, au sein même du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), un projet d’arrêté présidentiel est dénoncé. Selon l’avocat et militant politique André Michel, ce texte viserait à accorder aux membres du CPT des privilèges particuliers : salaires, sécurité, moyens logistiques… Le tout élaboré en secret, sans consultation, ni débat public.Autrement dit, pendant que le pays brûle, ceux qui prétendent diriger la transition semblent d’abord penser à leur confort personnel.

De son côté, le gouvernement affirme avoir économisé 400 millions de gourdes pour organiser les élections. Mais jusqu’à présent, aucun calendrier officiel n’a été rendu public, aucun plan opérationnel n’a été présenté, et aucune garantie de sécurité n’est assurée. L’OPC et le CEP discutent de "participation citoyenne", mais dans quelles conditions concrètes ? Et avec quelle confiance populaire, alors que les décisions restent confinées aux cercles clos du pouvoir ?

Dans ce climat de méfiance, un avant-projet de Constitution propose de supprimer les sections communales — pourtant considérées comme le dernier lien entre l’État et les populations rurales. Cette suppression risque de fragiliser davantage la représentation locale et d’accentuer la fracture entre l’État central et les territoires déjà marginalisés.

Sur le plan international, l’impasse diplomatique au Conseil de sécurité de l’ONU, notamment à cause du veto russe, pousse certains acteurs à envisager des alternatives peu conventionnelles. C’est dans ce contexte qu’apparaît l’idée d’une intervention privée : celle de la société de sécurité américaine Blackwater (devenue Academi). Cette éventuelle intervention ne viserait pas une paix durable, mais la création temporaire d’un climat “gérable” pour permettre la tenue d’élections dans certaines zones clés.

Autrement dit, il s’agirait moins d’une solution sécuritaire pérenne que d’un levier politique pour légitimer un scrutin dans l’urgence, sans traiter les causes profondes de l’insécurité, de la misère et de la faillite institutionnelle.



Ainsi, pendant que le peuple haïtien lutte pour survivre, les élites politiques et leurs alliés internationaux s’activent à organiser des élections dans un vide sécuritaire et institutionnel. Sans garanties, sans transparence, ni dialogue réel, le processus semble déconnecté des réalités du terrain. L’éventuelle intervention de Blackwater, loin d’apporter une paix durable, apparaît comme une mise en scène destinée à rendre les élections acceptables aux yeux de l’extérieur. Dès lors, une question essentielle se pose : Peut-on encore parler de souveraineté nationale quand les décisions se prennent entre acteurs étrangers, sans consultation du peuple ?




ANBA KAYIMIT

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